Derniers articles
Nos recettes
Mr Simoncelli, vous êtes formateur. En quoi consiste votre activité et où exercez-vous ?
Mes premières expériences avec l’escargot remontent aux années 1983/84.
Habitant en région parisienne, j’ai fais mes premiers petits parcs dans le jardin familial qui me permettaient de produire entre 5.000 et 10.000 petits gris par an. Par la suite, lors de mes études, j’ai eu l’occasion de travailler sur l’escargot à l’Université de biologie de Saint-Etienne avec Bernard Buisson et Alain Blanc.
A cette époque j’ai eu l’occasion de rencontrer des pionniers de l’escargot (Claude Bouvier (animateur de la fédération nationale de l’époque), Claude Aubert (Institut Technique de l’AVIculture et auteur du Mémento)…
Christophe Simoncelli, Formateur au CFPPA de la Motte-Servolex
En 1990, j’ai eu l’opportunité d’effectuer mon service national civil au CFPPA de la Motte-Servolex en Savoie. Mes missions d’alors étaient d’animer et de coordonner la formation hélicicole existante. Durant plusieurs années, j’ai travaillé à mi-temps sur la formation et à mi-temps sur l’élevage hélicicole du centre de formation.
En plus de 20 ans les formations ont bien évolué, tant en terme de contenu, d’organisation pédagogique, de validation des acquis que de typologie des publics accueillis. En effet, à l’époque nous proposions deux formations de 3 mois par an. Les demandes étaient très nombreuses, mais émanaient principalement de candidats en reconversion professionnelle qui venaient pour découvrir ce métier, sans en connaître les moindres spécificités!
Cet afflux de demande était renforcé par les nombreux articles que publiait la presse à l’époque!
Les gens venaient en formation et se décidaient ensuite à créer ou non un élevage.
Progressivement les choses ont changées. Sur le terrain le nombre d’héliciculteurs augmentait, les héliciculteurs ont pu prétendre à des aides à l’installation (DJA, prêts à taux bonifiés…), de plus en plus de candidats à la formation arrivent avec des projets déjà bien réfléchis, donc tout naturellement nous avons adapté notre offre de formation à cette évolution!
Aujourd’hui, nous avons tout un panel de formation allant de la journée de découverte jusqu’à l’acquisition de la capacité professionnelle agricole (BPREA) en passant par des semaines d’initiation à l’élevage et la transformation des escargots.
Ce sont des formations graduelles qui apportent aux porteurs de projet des réponses adaptées en fonction de l’état d’avancement de leur projet.
Notre rôle est donc de leur apporter des réponses à leurs questions, qu’il s’agisse de simple interrogation sur le métier ou bien de réponses techniques et pointues inhérentes à leur installation (questions liées à la technique d’élevage, administratives…). Tout ceci n’aurait pu fonctionner et évoluer depuis tant d’années sans la proximité et les relations que nous entretenons avec les producteurs!
Aspersa, ce mot ne vous est pas indifférent. Dites-nous en plus ?
En effet, l’association ASPERSA occupe une part importante de mon activité puisque j’y travaille en tant qu’animateur pour 20% de mon temps. Son siège social est au CFPPA de la Motte-Servolex. Cette association a été créée au début des années 90. D’ailleurs, le premier Président était Daniel Moulin, il exerce encore avec son associé Jean-Claude Combe (Les Escargots de La Robine – 04) et adhère toujours à ce groupement!
Aujourd’hui, l’ASPERSA est présidée par Carole Milan, hélicicultrice en Savoie, et compte 53 adhérents majoritairement répartis sur les départements de Rhône-Alpes et de PACA. Toutefois, certains de nos adhérents sont installés en Bretagne, en Bourgogne, en Alsace, en Champagne-Ardenne, en Auvergne, en Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, en Pays de la Loire et en Aquitaine.
L’Aspersa, Escargots nés, élevés et cuisinés en France
L’ASPERSA est avant tout un moyen d’échanger entre les producteurs sur des problématiques techniques, économiques, commerciales et administratives. Nous avons développé un réseau de partenaires qui nous permet de nous tenir informé – voire d’être impliqué – des évolutions relatives à la profession (nouvelles normes et règlementations, technique…).
Nous organisons régulièrement des journées d’échange à thème, des «voyages d’étude»…
Depuis plusieurs années, nous organisons également des commandes groupées pour des approvisionnements, et depuis cette année nous avons obtenu d’un distributeur de bocaux un tarif spécial adhérent! Nous travaillons actuellement à l’extension de ces négociations pour d’autres produits.
Depuis 5 ans, l’ASPERSA a un blog (www.aspersa.over-blog.com) qui est également un outil d’échange. Nous avons en moyenne 20.000 visiteurs par an.
Dernièrement, nous avons travaillé (en collaboration avec les 6 autres groupements régionaux) afin d’obtenir l’obligation d’étiquetage de l’origine sur tous les produits à base d’escargots! Ce combat est loin d’être gagné, mais même si le chemin est encore long, cette action a été relayée par de nombreux médias régionaux et nationaux.
Pour finir, il faut préciser que les recettes de l’ASPERSA sont assurées par les cotisations (80%) et par la participation de partenaires privés dont la liste est diffusée sur notre blog.
Quels conseils pourriez-vous donner à l’internaute en études surfant sur notre site, découvrant votre interview et éventuellement intéressé d’une formation ?
Tout d’abord, je lui conseille de prendre contact avec les héliciculteurs de sa région et si possible aller à leur rencontre. Rien ne peut remplacer ce contact physique et les discussions qui en découlent! Si le projet est encore au stade embryonnaire, et avant de se lancer dans une formation longue, il est préférable de passer par un stage d’initiation d’une semaine.
Pour les demandeurs d’emplois, qu’il demande à son conseiller du Pôle Emploi de lui prescrire une Evaluation en Milieu de Travail chez un héliciculteur! C’est une très bonne opportunité pour découvrir le milieu hélicicole. Cette expérience lui permettra de véritablement prendre conscience des exigences de cette profession (temps de travail, investissements, rentabilité…).
Quelle est votre plus grande satisfaction vis à vis du métier que vous exercez ?
Il y en a tant! C’est difficile d’en retenir qu’une seule! A titre personnel, je retiendrai les véritables liens d’amitié que j’ai noué avec de nombreux anciens stagiaires. Pour information, j’ai pour témoin de mariage un héliciculteur encore en activité et qui faisait parti de mon premier groupe de stagiaire en 1990!
Plus globalement, il est très gratifiant de suivre des héliciculteurs par le biais de l’association ASPERSA. Des personnes que j’ai rencontré alors qu’il n’avaient, à l’époque, qu’une vague idée du métier, et qui après leur formation ont créé et développer de véritables entreprises! Dans leur immense majorité, ces héliciculteurs sont très ouverts, et sont toujours prêts à accueillir des stagiaires.
Sinon, depuis quelques années, je reçois en formation les enfants d’anciens stagiaires qui viennent se former pour reprendre l’exploitation familiale! Même si ça me met un coup de vieux, c’est très gratifiant. Nous sommes à un tournant de la profession où les «pionniers» installés dans les années 1985/90 arrivent à la retraite et cherchent des repreneurs. Bien évidement ces derniers profitent de l’expérience, des installations existantes et du travail commercial réalisé durant toutes ces années.
Malheureusement, il n’y a pas que des satisfactions!
Il est toujours frustrant et attristant d’apprendre que des éleveurs stoppent leur activité, et d’autant plus lorsque la cause n’est pas d’ordre technico-économique ni commercial (problèmes de santé, difficultés familiales, incendie…).
Pour finir, je veux avoir une pensée pour mes anciens stagiaires qui nous ont quitté!
Etre éleveur d’escargots est-il un métier à temps plein ?
On peut répartir les éleveurs en plusieurs catégories en fonction du revenu qu’ils attendent de l’activité :
les héliciculteurs à titre principal qui en tirent l’intégralité de leur revenu,
les agriculteurs qui ont développé un atelier hélicicole en diversification d’autres productions plus traditionnelles,
des salariés du régime général qui cherchent un revenu complémentaire,
les éleveurs amateurs qui ne recherchent aucun revenu, mais souhaitent simplement produire quelques escargots pour leur propre consommation et celle de leurs proches.
On peut comparer cette typologie à celle rencontrée dans le monde apicole! Bien évidemment, les moyens mis en œuvre diffèrent d’une catégorie à l’autre, tant sur le plan des investissements que sur celui du temps passé sur l’exploitation.
Pour les exploitants à titre principal, on rencontre également des sous-catégories :
l’éleveur qui est naisseur / engraisseur / transformateur
l’éleveur qui est engraisseur / transformateur
l’éleveur qui est naisseur / engraisseur
l’éleveur qui est juste engraisseur
Suivant l’objectif de chacun, la répartition du temps de travail varie d’une tâche à l’autre!
Pour un naisseur / engraisseur / transformateur, on estime que le temps de travail se réparti de la manière suivante:
production: 30%
transformation: 30%
commercialisation: 30%
suivi administratif: 10%
C’est une activité extrêmement chronophage qui n’est que très peu mécanisée. Une étude récente a mis en évidence que la production, la transformation et la commercialisation de 120.000-150.000 escargots nécessitaient environ 2400 heures par an !
De plus, il faut être conscient que cette activité est saisonnière, et il faut être capable d’en assumer les pics de travail, notamment durant les trois derniers mois de l’année. C’est une activité qu’il est difficile de mener sans le soutien familial!
L’héliciculture en France a t’elle d’après vous encore de belles années devant elle ?
C’est une question à laquelle il est assez difficile de répondre de manière catégorique! Toutefois, en 20 ans, nous sommes passés d’une dizaine de producteurs à plus de 300 !
La majorité des exploitants transforment et commercialisent directement leurs productions. Avec le temps, ils ont tissés des liens très forts avec leur clientèle. Sur les foires, les marchés, sur leurs exploitations, lors des portes-ouvertes…, ils communiquent sur la qualité de leurs produits et réussissent à fidéliser une clientèle qui ne recherche pas uniquement un «produit alimentaire» mais aussi un contact avec les producteurs. Les héliciculteurs sont beaucoup plus innovants que les industriels. Il y a longtemps qu’ils ont développé une large gamme de produits, et qu’ils communiquent sur le fait que les escargots peuvent se consommer autrement qu’à la bourguignonne et également en dehors des fêtes de fin d’année!
Je pense donc qu’il y aura toujours un marché pour les producteurs qui font de la vente directe et qui cherchent à diversifier leurs offres (ferme pédagogique, accueil à la ferme, portes-ouvertes, marchés fermiers à la ferme, petite restauration, vente en magasin de producteurs fermiers….).
Par contre, je suis incapable de dire si, à court terme, la profession peut (et veut) se structurer pour mettre en place une véritable filière telle que l’on peut en rencontrer dans les autres productions animales !
D’ailleurs, est-ce souhaitable? Je n’en sais rien! C’est un vaste sujet qui nécessite énormément de réflexion pour être tranché. Je me souviens avoir travaillé avec des collègues héliciculteurs sur ce thème autour des années 95, pour évaluer l’opportunité d’installer des éleveurs naisseurs, des éleveurs engraisseurs, et une unité de transformation et de commercialisation collective pour se positionner sur le marché des GMS!
Si ce travail n’a pas abouti, c’est principalement lié au fait que la plupart des héliciculteurs n’arrivait déjà pas à fournir leur propre clientèle locale, et qu’ils ne souhaitaient pas dépendre d’autres personnes! De plus, dans un tel schéma, il est difficile de rémunérer chacun des intervenants à tous les stades de la production! Dans quelques années, on peut imaginer un développement et une généralisation de la mécanisation du travail. Ainsi, une personne seule pourrait produire plusieurs dizaines de tonnes de vifs!?
Le coup de production en serait d’autant diminué, et il serait alors envisageable d’approvisionner des unités de transformation de type industriel !
Mémento de l’éleveur d’escargots
Est-ce réellement la trajectoire que souhaitent les héliciculteurs ? Je n’en suis pas certain ! A suivre…
Mr Simoncelli, c’est pour ce site une grande satisfaction que d’afficher un reportage émanant d’un professionnel tel que vous. Nous ne pouvons que recommander l’établissement de formation où vous exercez.
Comme vous le dites dans ces quelques lignes ci-dessus, “Le Mémento”… Je vous fais une confidence; ce guide indispensable fort bien rédigé fait parti de ma collection personnelle et ce depuis bien longtemps !
Avec tous mes remerciements les plus sincères…